Champignon destructeur, la mérule se développe en cas de présence d’eau dans les constructions. Depuis 2014, la loi ALUR contraint les propriétaires à déclarer sa présence. Dix-huit cas ont été recensés en Haute-Vienne.
«Psychologiquement, ma femme y pense encore. Elle avait entendu que ça pouvait faire tomber une habitation. » En novembre 2014, Patrice a été confronté à la mérule, autrement baptisée « lèpre des maisons ». Il a découvert les dégâts « dans la cave, où on avait entassé pas mal de choses et bouché les aérations », décrit-il. « En soulevant une malle, on a vu qu’elle était pourrie. Il y avait comme une odeur de cèpes. Deux ans après, je l’ai encore dans le nez. »

En Haute-Vienne, Patrice est loin d’être le seul concerné. Dans une demeure des monts d’Ambazac où Marc Bihan, gérant de l’entreprise Technibat, mène actuellement un chantier sur la mérule, « la bonde de la douche a fui, explique le chef d’entreprise, ça s’est propagé dans le faux plafond. Ça pouvait être dangereux, la personne pouvait passer à travers. On n’est pas loin de la destruction ».

« Ça s’étale, ça court vite, ça cavale »

La Haute-Vienne est-elle contaminée ? Rien n’est moins sûr. Depuis que la loi ALUR est entrée en vigueur en 2014, la Direction départementale des territoires a recensé dix-huit cas. Le texte de loi instaure une obligation de déclaration auprès de la mairie en cas de présence du champignon dans une habitation. « Mais on ne sait pas si les gens déclarent à chaque fois », souligne Marc Yon, chef de service action territorial et développement durable au sein de la DDT. Patrice, lui, ne l’a pas fait. « Je ne savais pas », explique-t-il.

« À mon avis, à ce chiffre, ils peuvent ajouter un zéro », avance Marc Bihan. Avec Technibat, il dénombre « deux appels par mois en moyenne » concernant la mérule. Mais au cours de la demi-heure passée dans son bureau, ce sont deux appels qui concerneront des interventions liées au champignon. « On ne peut pas dire s’il y a plus de mérule ou si les gens y sont plus sensibles », estime-t-il.

« Ce champignon est souvent lié à la présence d’eau dans la construction et à l’absence d’aération, pas seulement une simple humidité », explique Katia Ibanez, référente sur le dossier au sein de DDT. « L’aspect est variable, décrit Marc Bihan. Ça peut être de la moisissure blanche et cotonneuse avec des filaments ou, au sol, des champignons sans pied. Et ça s’étale, ça court vite, ça cavale. »

« Ça traverse les murs »
C’est bien le problème. Si on ne traite pas la mérule assez tôt, elle peut-être dangereuse pour l’intégrité des habitations. « La mérule est destructrice, explique Marc Bihan. Ça bouffe les bois, ça traverse les murs. À terme, si on ne fait rien, la maison peut vite devenir insalubre. » Patrice a eu plus de chance. « La propagation était limitée, raconte-t-il en faisant défiler les photos sur son téléphone. Mais l’artisan qui est intervenu m’a raconté que sur certains chantiers, il détruisait des poutres en bois infestées à la main. »

La loi ALUR comporte d’autres dispositions. L’une d’elle peut aboutir à un arrêté préfectoral, qui oblige les vendeurs d’une habitation, situé dans un périmètre défini où la mérule a été repérée, à le signaler aux futurs acheteurs. « Sinon, ça peut constituer un vice caché », explique le fonctionnaire. Mais aucun cas n’a été recensé en France. Les zones les plus touchées sont aujourd’hui le Finistère ou la ville de Cherbourg. « Avec un bon entretien, il ne doit pas y avoir de problème, assure Katia Ibanez. Il faut faire attention à la ventilation et entretenir le réseau d’évacuation. » C’est ce que Patrice a fait. « Après ça, il n’y a eu aucun problème », assure-t-il.

Sébastien Dubois

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